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Renato Krpoun : piloter la Suisse dans l’espace et au cœur de l’ESA

Avec un pied en Suisse et l’autre en orbite européenne, Renato Krpoun joue un rôle clé dans la politique spatiale du pays. À la tête de la division des affaires spatiales du SEFRI et président du conseil de l’Agence spatiale européenne (ESA) au niveau des délégués, il navigue entre négociations stratégiques, développement industriel et exploration des futures opportunités spatiales. Une trajectoire qui façonne la place de la Suisse dans l’aventure spatiale mondiale.

Am Steuer der Schweizer Weltraumpolitik: Vor einem Modell der Ariane 5 präsentiert sich Renato Krpoun, Ratspräsident der Europäischen Weltraumagentur (ESA) und Leiter der Abteilung für Raumfahrt des SBFI in seinem Büro in Bern.  | © Roland J. Keller
Renato Krpoun, aux commandes de la politique spatiale suisse. Devant une maquette d’Ariane 5, le président du conseil de l’Agence spatiale européenne (ESA) et chef de la division des affaires spatiales du SEFRI se présente dans son bureau à Berne, où se prennent les décisions qui façonneront l’avenir spatial de la Suisse et de l’Europe.

Renato Krpoun, en quoi consiste votre rôle au sein de l’Agence spatiale européenne ?
Tout d’abord, il faut rappeler que le Conseil de l’ESA fonctionne comme un conseil d’administration. Il est composé de représentants des 23 États membres et prend des décisions stratégiques pour l’orientation de l’agence. À un niveau ministériel, des conférences sont organisées tous les trois ans pour fixer les grandes lignes budgétaires et programmatiques. Mon rôle comme président du conseil consiste à animer les débats, à harmoniser les positions entre les États membres et à préparer les décisions nécessaires à l’évolution des programmes. L’objectif est de garantir une dynamique collective qui permette à l’Europe de rester un acteur majeur du spatial face aux grandes puissances, comme les États-Unis ou la Chine

 

Quelle est la charge de travail associée à cette fonction ?
La charge de travail varie selon les périodes, oscillant en moyenne entre 20 et 40 % de mon temps. Une journée par semaine y est généralement consacrée, mais certaines phases exigent un engagement plus intense, en fonction des discussions en cours et des enjeux stratégiques à trancher.

 

Quels ont été les sujets majeurs débattus ces derniers mois ?
L’accès indépendant européen à l’espace reste une question centrale, notamment avec la mise en service d’Ariane 6. Une période de crise a été traversée, nécessitant des décisions fortes pour garantir la compétitivité du secteur des lanceurs européens. L’une des priorités a été la préparation de la conférence ministérielle de Séville en 2023, où un compromis a été trouvé entre les États membres pour sécuriser l’exploitation d’Ariane 6, l’évolution de Vega ainsi que le coup d’envoi d’une nouvelle approche concurrentielle en matière de transport spatial. 

 

Peut-on dire que l’Europe retrouve son autonomie spatiale ?
Des avancées significatives ont été réalisées. Le premier lancement d’Ariane 6 en juillet 2024 marque une étape essentielle, tout comme le retour en vol de Vega-C. L’enjeu principal consiste maintenant à augmenter la cadence de lancement : neuf tirs annuels pour Ariane et quatre pour Vega.

 

Comment atteindre cet objectif ?
L’augmentation de la cadence repose sur les industriels, qui doivent accélérer la production. L’ESA joue un rôle de suivi, mais c’est à l’industrie de monter en puissance. Le développement d’Ariane 6 a déjà intégré les capacités de production nécessaires pour un rythme soutenu. Chaque lancement améliore les processus, et une montée en puissance progressive est prévue avec les variantes Ariane 6-2 et Ariane 6-4.

 

Comment est structuré le spatial en Suisse ?
La division des affaires spatiales du SEFRI, également connue sous le nom de Swiss Space Office, coordonne les activités spatiales du pays. La Suisse mise sur la participation aux programmes de l’ESA pour permettre aux entreprises et aux instituts de recherche d’accéder à des missions de premier plan au niveau international.

 

Pourquoi la Suisse ne dispose-t-elle pas de sa propre agence spatiale ?
La question est régulièrement posée. Une agence spatiale nationale impliquerait des coûts élevés et une gestion interne complexe. La stratégie suisse privilégie une intégration dans les programmes de l’ESA, permettant d’accéder à des projets compétitifs tout en mutualisant les ressources avec d’autres pays européens. Cette approche assure aux acteurs suisses une place sur des missions ambitieuses, sans devoir supporter seule les coûts de développement.

 

Quel est l’investissement de la Suisse dans l’ESA ?
La Confédération consacre environ 200 millions de francs par an à l’ESA. Ce budget garantit un retour sous forme de contrats passés avec l’industrie et avec les hautes écoles suisses.

 

Comment la Suisse soutient-elle l’émergence de nouveaux talents dans le domaine spatial ?
Le Swiss Space Office ne met pas directement en place de formations, mais il soutient des initiatives dédiées, comme Space Exchange Switzerland (SXS). Ce programme facilite les échanges et stages à l’ESA, et des discussions sont en cours pour étendre ces opportunités vers d’autres agences, comme la NASA. Des Career Days et des événements internationaux, comme l’International Astronautical Congress, permettent aussi aux jeunes talents suisses de se connecter aux acteurs du secteur spatial. L’objectif est de rendre le spatial plus accessible aux étudiants et aux chercheurs, tout en mettant en avant l’expertise suisse sur la scène internationale.

 

Comment les écoles et universités suisses s’intègrent-elles dans cette dynamique ?
Un budget spécifique, représentant 15 à 20 % de l’investissement suisse dans l’ESA, est dédié aux instruments scientifiques. Ce financement permet aux chercheurs de se positionner sur des projets internationaux et d’intégrer des programmes spatiaux ambitieux. Grâce à des mécanismes comme le programme PRODEX, les universités suisses peuvent collaborer avec l’ESA et des partenaires internationaux, à l’instar de la NASA ou JAXA (Japan Aerospace eXploration Agency).

 

Comment envisagez-vous l’avenir de l’Europe spatiale ?
Le spatial joue un rôle croissant dans les infrastructures et les services du quotidien. D’ici 2040, des avancées majeures sont attendues, notamment dans les télécommunications quantiques sécurisées. L’abaissement des coûts de lancement, grâce aux nouvelles générations de lanceurs, ouvrira également des opportunités inédites dans la recherche pharmaceutique en microgravité ou la fabrication de semi-conducteurs dans l’espace. L’exploration lunaire constituera un autre axe clé. L’objectif, avec les partenaires américains, canadiens et japonais, est d’établir une présence durable sur la Lune, impliquant des défis logistiques considérables. L’acheminement de ressources en orbite et sur des bases lunaires nécessitera de nouvelles solutions technologiques, avec des perspectives économiques prometteuses pour les entreprises suisses spécialisées en robotique et en ingénierie de précision.

Zurich 30.04.2025
Contribution de: Roland J. Keller
Source d'image: Roland J. Keller

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